Les Menhirs

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Extrait de "La préhistoire du Morbihan" de Yannick Rollando - Société Polymathique.

Forme. — Elle rappelle le plus souvent celle d'un fuseau irrégulier. Mais elle peut varier suivant la nature du matériau ou la taille que le menhir a subie, tel le grand menhir de Locmariaquer, le Men er Hroek. Le plus souvent, le menhir repose sur sa base la plus large, mais parfois, il est plus élargi à son sommet comme le géant de Kerdreff en Carnac.

Origine. — L’arrondi d’une face, l'aplanissement d'une autre indiquent que le monolithe a été extrait d'une roche déjà altérée et diaclasée par l’érosion. L’usage par l'homme de coins et alternativement de l'eau et du feu devait aviver les fractures pour en faciliter l'extraction. Le plus souvent, la roche utilisée est celle de la formation géologique sur laquelle le monument repose : granulite dans la" région de Carnac et de Locmariaquer.

Hauteur. — La taille de ces monuments varie de quelques décimètres à 20,30 m, dimensions probables du géant de Locmariaquer (en fait, lorsqu'il était debout, il ne devait guère dépasser 17 m). Actuellement, celui-ci brisé en quatre fragments de 9,40 m, 5 m, 3 m, 2,90 m, ayant pour base une largeur de 4 m et une épaisseur de 2,10 m. Son poids est évalué à quelque 347,5 tonnes.

Si l'on en croit les vestiges gallo-romains écrasés sous sa masse, sa chute, serait postérieure à cette époque. Dès 1727, le père de l'archéologie bretonne, le président de Robien, l'a dessiné en son état actuel. Foudre, séisme, injonctions des conciles, affouillement naturel ou humain, ont été tour à tour invoqués pour expliquer sa chute.

Parmi les monolithes les plus marquants, citons : sur la Lande de Lanvaux, le menhir de Kermarker (6,65 m) et du Boiker (6,60 m), en Moustoirac ; sur la côte, le menhir de Beg-er-Goh-Lannec à Quiberon (6,3 m) ; du Manio en Carnac (5,80 m) ; de Saint-Cado (5,40 m) ; de Conguel en Quiberon(5,20 m).

Édification. — Pour dresser de pareils obélisques, on devait établir une chaussée solide sur un plan incliné. Puis le bloc placé sur rouleaux était amené au sommet du plan pour être basculé dans une fosse. Enfoncé en terre au quart environ de sa longueur, on le consolidait ensuite par plusieurs assises de pierres de calage. On a évalué à 3 000 hommes, à raison d'une force de traction de 100 kg, la force nécessaire pour faire avancer le géant de Locmariaquer sur ses rouleaux ; mais on oublie que la traction animale, bœufs ou chevaux, a pu également être employée.

Au Mané Lud voisin, n'a-t-on pas recueilli sur un cromlech quelques crânes d'équidés ?

Orientation. — Certains archéologues pensent découvrir dans le menhir une orientation préférentielle. Ainsi, lorsque le menhir est plan ou jumelé/tels Jean et Jeanne de Runello à Belle-Île, la direction du grand axe du plan ou de la ligne qui joint les deux blocs déterminerait une orientation solaire.

Gravures. — Plus positive est la présence, rare il est vrai, de gravures. A Moustoirac, le grand menhir de Kermaker (6 m)' est orné sur l'un de ses côtés de deux manches de hache en relief. Au Manio, en Carnac, le menhir indicateur du tertre allongé porte à sa base enfouie dans la terre cinq serpents gravés.

    Destination du Menhir.

a) Les traditions. — A notre époque, le menhir s'entoure de légendes, ainsi à Locmariaquer, le grand menhir est le Men er Hroeck, la pierre des fées. C'est lui que visent, au Moyen-Age, les canons des conciles lorsqu'ils flétrissent les adorateurs de pierres et demandent la destruction de ce simulacre abominable. A défaut, on le christianise, soit en y gravant une croix, tels la pierre de Justice en Crach, le mémorial de Locoal-Mendon, soit en élevant à ses côtés une chapelle destinée à détourner l'hommage de ses anciens adorateurs. Ainsi, le menhir de Langonhach en Landaul se dresse près d'une chapelle dédiée à saint Mamert. Parfois, le menhir est transformé en croix, telles dans la commune de Carnac, les deux plus vieilles croix du Morbihan : la croix de Coet a Tous (XIe s.) et du Hanhon (XIIe).

Une vie de saint Samson, évêque de Dol au VIe siècle, emploie l'expression simulacrum dont fait usage Jules César pour désigner les menhirs que l'on élève au Mercure gaulois. On connaît également, par la Bible en Orient, par Pausanias (Géographe grec du IIe siècle) en Grèce, la coutume d'élever une pierre brute pour marquer la présence ou l'image de la divinité. La religion crétoise connaît le culte de la Grande Déesse et ses symboles : le pilier ou colonne et les serpents. Son parèdre, le Dieu mâle, le Zeus crétois a pour emblème la double hache, symbole de la foudre, gravée sur les piliers des demeures de Cnossos (ancienne ville de la civilisation crétoise. Parèdre, divinité associée à une autre).

b) Les faits archéologiques.

1 ) Le Menhir symbole religieux. Nous connaissons sur le menhir de Kermarquer, le manche de hache ; au Manio, les serpents, emblème de la déesse des dolmens. Il est donc vraisemblable de voir en ces monuments l'image de la divinité. A ce titre, un culte devait leur être rendu comme le révèlent les trouvailles faites à leur pied : éclats de silex, percuteurs, grattoirs, pointes de flèche, haches polies, poteries, meules à broyer le grain, et partout, charbon, cendre, où gisent des fragments d'os. A la base du Manio, on a trouvé des éclats de silex, des haches, une pendeloque, des débris d'un vase grossier dans une terre noire mélangée de charbon ; au Moustoir, près d'un petit menhir, un vase.

2) Le Menhir stèle. Symbole religieux, le menhir n'occupe pas un emplacement quelconque. Au Manio, à Kerlescan, il est en tête par le travers d'un tertre ancien pour en indiquer la présence. Le Men er Hroek lui-même gît au pied d'un tumulus, homologue plus modeste des grands tumulus néolithiques. Parfois, le menhir est juché au sommet du tertre qui, à Kercado, abrite un dolmen à galerie, au Moustoir, une chambre et des coffres, A Er Lannik, deux monolithes flanquent à l'Ouest et à l'Est le cromlech supérieur, jalonnant une ligne tangente à son sommet. D'indicateur de sépultures, le menhir est devenu la stèle du temple.