Destination du dolmen

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a) Légendes. — A l'image du menhir, le dolmen se pare de légendes. Le tumulus devient la montagne des fées (Mané er Hroek), le dolmen, le repaire nocturne des korrigans ou kérions (Mané Kérioned), la grande dalle plafonnante est la Table des Marchands/ le tumulus de Tumiac, la butte de César.

Pour les enragés celtomanes, le dolmen est l'autel druidique, la pierre du sacrifice où l'on montre encore les rigoles qui recueillaient le sang des victimes. Ecartant ces hypothèses romantiques, les archéologues ont montré que le dolmen était prosaïquement une sépulture.

b) Les défunts. — Sous la protection de sols peu acides, dans les sables calcaires de Quiberon, des ossements ont pu seulement être recueillis. A Port-Blanc, en Saint-Pierre-Quiberon, on a extrait de l'un des deux dolmens 40 à 50 squelettes. Bien que séparés en deux couches par un dallage de pierres plates, la plupart avaient été disloqués par des inhumations successives. Dans le second monument, 9 squelettes furent découverts en meilleur état, certains ayant, comme à Téviec, les membres repliés. Tout à côté, un menhir, enfoui avec 10 crânes, paraissait l'ossuaire des deux dolmens voisins. A Quiberon, dans le dolmen de Beg Conguel, deux couches de sépultures étaient également séparées par un dallage. Cinq sujets gisaient dans la chambre, deux dans le couloir. Ces quelques exemples montrent bien que les dolmens étaient des sépultures collectives et successives, élevées pour recevoir les membres d'une même famille ou d'un même habitat.

Les terrains siliceux plus acides du continent ont été moins indulgents. On ne signale que des fragments osseux, dans le dolmen de Kercado, dans la chambre principale de Tumiac, du Mont Saint-Michel, du Mané Lud. L'incinération elle-même, employée conjointement avec l'inhumation, a consumé plus d'un témoignage : dolmen de Nioul en l'Ile-aux-Moines, de Keryaval, de Kercado/ du Roch Feutel en Carnac, de Kerhan en Saint-Philibert. Le rite crématoire se retrouve au cœur des Grands Tumulus : Tumiac, Mont Saint-Michel, Mané Lud. Parfois, on a pu le confondre avec ces feux rituels qu'on allumait dans la chambre du mort.

c) Le mobilier.— Par les musées (Musée archéologique de la Société Polymathique du Morbihan, 2, rue Noé, Vannes ; Musée Miln-Le Rouzic à Carnac), le public connaît le riche mobilier qui accompagnait le défunt dans l'au-delà : les poignards, les pointes de flèches en silex dont il se servait pour la chasse, sa hache polie de roche dure en pyroxénite ou en amphibolite. De splendides haches rituelles, d'élégants anneaux disques le suivaient dans la tombe (Tumiac, Mané er Hroek, Mont Saint-Michel), plus rarement des haches perforées d'un type nordique (Mané Meur en Quiberon, Petit-Mont), sans oublier la petite hache pendeloque suspendue à son cou. Pour cuire ses aliments, on lui laissait sa poterie : forme simple d'abord en écuelle hémisphérique, ornée plus tard des celliers de la déesse des morts (Conguel en Quiberon, Parc Néhué, Er Mar en Crach). La mode ou la richesse apporta par la suite les beaux vases rouges caliciformes (en forme de calice), ornés de bandes pointillées, incrustés de pâte blanche, d'importation hispanique. Plus tardivement, apparaîtront quelques mauvais pots de fleurs de la civilisation de Seine-et-Oise-Marne (en abrégé S. 0. M. : culture mégalithique tardive du Bassin Parisien, caractérisée par ses allées couvertes et sa poterie) (Bilgroez en Arzon, Mané Lavarec, Kercado en Carnac).

Par la tombe, on connaît également la parure du mort : bracelets, pendeloques, colliers de perles en callaïs (dolmens du Mané Lud en Locmariaquer, de Kerlagat, de Kercado en Carnac ; allée couverte du Luffang en Crach ; chambre sépulcrale de Tumiac, du Mané er Hroek, du Mont Saint-Michel). On admire ses bijoux d'or : célèbres bracelets du dolmen de Rondossec en Plouharnel, de Saint-Cado en Belz, pommelle du dolmen de Kermarker en La Trinité, perles tubulaires du Grah Niol en Arzon, « dents de loup » du dolmen de Kerlagat, plaquettes de Kercado, fils d'or du dolmen des Marchands, de Kerclément en Belz.

d) Les sépultures secondaires. — Le visiteur de nos musées est souvent surpris des quelques anachronismes qui unissent dans la même vitrine la poterie de Hallstatt ou de la Tène (Station éponyme du Second Age du Fer, située sur le lac de Neuchâtel, en Suisse) à la poterie dolmenique (dolmens de Kériaval, d'Er Grah Trimen en Carnac, allée couverte du Mané Roullarde, du Luffang, du Mané er Loh). Plus tardivement, les Vénus anadyomènes (du grec αυχδομευη, qui sort de l'eau. Surnom de Vénus, adorée sous la forme de statuette d'albâtre) gallo-romaines remplaceront ou pour le moins prolongeront le culte de la Déesse Mère (dolmens de Toulverne, de Lanester en Baden, du Mané Rutual, du Petit-Mont, allée couverte d'Er Bé en Saint-Gildas). Les Gallo-Romains sèmeront leur monnaie d'Auguste, de Claude, de Néron, de Domitien, de Trajan, d'Antonin, à l'intérieur des monuments (Kermarker, Er Roch à La Trinité) ou dans le tumulus (Mané er Hroek). Dans certains cas, on a soupçonné des tentatives de pillage, en d'autres, la richesse en Dea Mater (du latin. Déesse Mère, synonyme de Vénus) incline à y voir de nouvelles sépultures ou des sanctuaires religieux (le C14 témoigne également de ces réutilisations : - 1 601, - 500 pour un dolmen de Poulguen-Penmarch (Finistère) ; - 740, en moyenne - 285 (- 445, - 220, - 205, - 65), puis + 65, + 1 190 à 1 230 pour divers dolmens du cairn de Barnenez PIouézoch (Finistère)).